Spéléologie

MONTAGNE DE LA SERANNE (1)

Photo : vue partielle du massif de la Séranne (entre le Peyre Martine et le Roc du Midi)

PAYSAGE GEOLOGIE HYDROGEOLOGIE SPELEOLOGIE CAVITES
   

 

LE PAYSAGE

"On ne saurait expliquer des paysages sans les avoir, auparavant décrits" (E. COULET, 1975).

Située dans le Bas Languedoc aux confins des garrigues Montpelliéraines, la Séranne (ou massif de la Séranne) s'érige à l'horizon en une chaîne de montagnes dont les formes hardies contrastent nettement avec les paysages tabulaires et plissés des causses et des garrigues environnants.

Son échine imposante qui s'étire longitudinalement sur plus de 40 Km, selon un axe nord-nord-est - sud sud-ouest, lui confère l'allure d'un gigantesque cétacé échoué.

L'Extrême affouillement de ses formes et le détail de ses contours, tourmentés par de nombreuses phases érosives, en font une unité originale qui s'impose avec force dans le contexte morphologique sous cévenol.

Hérité de la chaîne de montagnes par son allure générale elle dessine à l'horizon de l'agglomération Montpelliéraine, une succession de petites unités montagneuses fières et élégantes qui marquent la limite des Garrigues et verrouillent le paysage.

Au-delà, les Grands Causses dont elle constitue le rempart le plus méridional, se trouvent ainsi occultés par une multitude de belvédères parfois hardis qui hérissent sa croupe imposante.

Malgré la force de ses lignes qu'elle impose au paysage, la Montagne de la Séranne, dont les limites sont assez précises, reste cependant très peu connue en tant qu'unité morphologique et de ce fait, difficilement perçu par le touriste pressé.

En retrait des grands axes routiers qui franchissent de part et d'autres les avant causses cévenols et les contreforts du Larzac, elle demeure réservée à la seule curiosité et convoitise du promeneur averti qui s'éloigne des sentiers battus. De petites routes départementales pittoresques et sauvages en permettent toutefois l'accès sans pour autant dénaturer l'intégrité du paysage dans l'ensemble bien respecté.

Nettement surélevée au-dessus de la masse des garrigues, soubassements aplanis qui viennent mourir à ses pieds, la montagne de la Séranne sépare avec force deux contextes tout à fait opposés.

Domaine caussenard tabulaire du Larzac dont elle interrompt subitement la course, et domaine plissé des garrigues buttent en effet de part et d'autres son immense bourrelet qui constitue une véritable intrusion morphologique au sein des paysages calmes et monotones du causse. Cette opposition tout à fait heureuse associe d'étonnants contrastes et personnalise cette région exceptionnelle.

Pour résumer sa présentation, il convient d'abord de tenir compte de son rôle géographique lequel nous parait important au sein de la région calcaire Nord Montpelliéraine :

- Rôle de bordure et de limite caussenarde (Seuil Caussenard):

Le Larzac, le causse de Montdardier vastes dalles compactes et tabulaires s'intègrent et s'éteignent sur son versant nord entaillé  par la profonde tranchée de la Vis.

- Rôle de rempart et de limite des garrigues :

Le bois de Montmal avancée la plus en amont au regard de l'agglomération de Ganges installée au débouchée des vallées de la Vis, de l'Hérault et du Rieutord en inaugure la partie nord.

Le versant opposé de cette petite unité géographique située entre les plaines de Cazilhac et de Brissac (plaine des Caizergues), dans son ensemble assez monotone s'élève brusquement au-dessus de la vallée de la Buèges pour surmonter et dominer du haut du Roc Blanc l'ensemble de la région nord-Montpellièraine.

Le panorama offert par ce belvédère (point culminant du massif et de l'ensemble de la région) relevant du nez vers le nord, magnifie l'ensemble d'un paysage panoramique dont les capricieuses formes s'étalent bien au-delà des Cévennes.

Vers le sud, le coup d'oeil imprenable sur les garrigues et bien au-delà sur le littoral souligne l'intérêt de ce panorama qui constitue un point unique et stratégique d'observation du contexte languedocien.

En s'éloignant vers le sud sud-ouest en direction des rochers de la Barre, l'abondance et la variété des formes, hérités de la tectonique la plus complexe, livre le décor sauvage du pays de Buèges et de ses rocs altiers (Peyre-Martine, roc du Midi) au pieds desquels naissent les belles exsurgences du Garrel et de la Buèges.

Parois abruptes, cuillères, vestiges de vieux miroirs de failles, chicots de bastions calcaires plantés ça et là sur des pentes d'interminables éboulis pentus ponctuent la sauvage saignée d’une superbe vallée où sont érigés les petits villages de Saint-Jean de Buèges et de Pégairolles.

photo : la vallée de la Buèges au pied du Roc blanc

A l'opposé, côté Ouest, un tout autre contexte fait tantôt de collines aux formes souples et arrondies et de plateaux tabulaires d'une grande régularité associe les traits morphologiques plus calmes du domaine caussenard.

Thalwegs sinueux et ravins encaissés découpent un ensemble de petits causses satellites (causse du Rancas) aux replats caractéristiques, prolongements morphologiques évidents de l'entablement du massif.

De la Sarpaillède jusqu'au pic Saint-Baudille (rocher de l'Aigle) l'allure générale du massif en chaîne de montagne est sans doute la plus évidente. Une successions d'arrêtes et de collines en chapelet déterminent l'ossature profilé du mont Saint-Baudille dont le roc de l'Aigle constitue la terminaison méridionale et le promontoire le plus élevé.

Les plaines de Saint-Martin d'Azirou et du Coulet qui viennent s'adosser à cet ensemble et s'y confondre s'étirent en une seule et vaste unité morphologique sur toute la longueur en direction du petit chaînon de Puech-Agut.

Difficilement dissociables de la Séranne car attenantes, celles-ci héritent des traits caussenards empruntés au Larzac dont elles constituent la terminaison méridionale. Elles appartiennent au Larzac Méridional c’est-à-dire à une région ou la mixité des paysages du causse et des garrigues est particulièrement flagrante.

C'est cependant à partir du village de Saint-Maurice - Navacelles jusqu'aux contreforts du causse dominant la plaine du Lodévois que ses limites avec le causse du Larzac restent toutefois imprécises.

Nous considérons en ce qui nous concerne la faille du Lodèvois (seuil caussenard) comme limite extrême de ce massif auquel nous associons pour des raisons hydrogéologiques une partie du chaînon de Puech-Agut et du poljé de Saint-Maurice intéressant le réseau de la Clamouse (coloration de l'aven du Fonctionnaire).

Côté garrigues et au-delà de l'échancrure profonde du ravin des Thiéres et de la plaine de Lacan, s'étage le paysage squelettique mais pittoresque des dolomies des monts de Saint-Guilhem.

Ainsi, du petit hameau des Lavagnes jusqu'à la plaine de Montpeyroux, seule la grisaille dolomitique dominante de cette région permet de la différencier de son embase avec laquelle elle ne peut être confondue. Cette différenciation s'observe d'ailleurs remarquablement bien du sommet du pic Saint-Baudille, sentinelle élégante et fière sur laquelle est érigé un relais de télévision.

De la table d'orientation de ce belvédère dominant de quelques (préciser) mètres la plaine viticole du Gignacois, un panorama remarquable sur les garrigues donne un très bel aperçu des caractères morphologiques des massifs environnant (Selette, Viols le Fort, Pic Saint-Loup, Hortus) que l'on distingue fort bien à l'est.

Les Région Naturelles : Essai de délimitation

Comme bien des chaînes de montagnes, la Séranne offre une succession de paysages variés déterminés par l'assemblage d'une marqueterie de régions morphologiquement bien individualisées et compartimentées par des accidents structuraux (tectonique).

Ces régions, assez facilement repérables dans le paysage, engendrent une composition de formes dont la rigueur accentuée par l'érosion est caractérisée par un chapelet d'arrêtes sommitales imposantes, (roc Blanc (942 m), roc du Midi (773 m), Peyre-Martine (782 m, Pioch Launet, mont Saint-Baudille).

Nous reprenons ici ces divisions définies dans une de nos précédentes publications concernant ce massif ("La Séranne : Paysage, Géologie, Hydrogéologie Spéléologie"., bulletin Séranne n°1, CLPA -1977).

Du nord nord-est au sud sud-ouest nous distinguons 6 régions naturelles (ou contextes) :   

- Le bois de Montmal (secteur de Brissac)

- Le massif du Roc-Blanc (secteur de Saint-André de Buèges)

- Le massif Sauvie-Roc du Midi (secteur de Saint-Jean de Buèges)

- Le massif de la Sarpailléde - La Verrerie (secteur de Pégairolles)

- Les monts du Saint-Baudille (secteur d'Arboras - Les Lavagnes)

- Les monts Vacquerois (Puech-Agut)

 

 

 

 

1 -  LE MASSIF DU ROC BLANC

- Région profilée et axée dans son ensemble du nord nord-est au sud sud-ouest .

- Superficie : 26 Km2

- Altitude maxima : 945 m au Roc Blanc

- Altitude minima : 135 m à la source de l'Avèze (Parc de Brissac)

LIMITES :

nord : avec le bois de Montmal : La route D.4 emb. qui relie le village de Cazilhac-le-Haut au hameau des Euzes. Cette limite routière correspond en gros à l’accident nord-nord-est - sud sud-ouest qui traverse le massif de part en part au niveau du col de l’âne.

sud : la vallée de la Buèges, du village de Brissac au mas des Prats. Bordure méridionale du massif au contact de la faille des Cévennes.

nord nord-est : la plaine des Caizergues, du village de  Brissac au col de la Cyre. Bordure méridionale du massif au contact de la faille des Cévennes.

sud-sud-ouest :  l’accident nord nord-est – sud sud-ouest qui franchit  le col de la Coupette jusqu’au « Saut du loup ».

ACCES

- routier

La pénétration de cette région s'effectue à partir du village de Cazilhac (Le Haut). Il permet selon l'itinéraire choisi et à partir du col de l'Ane d'accéder au sommet du massif (Roc Blanc) ainsi qu'à son embase inférieure nord (plaines de la Séranne et des Euzes).

Dans ce village situé à 1 km de Ganges la voie principale qui le traverse est prolongée par une petite route étroite goudronnée qui grimpe sur 3 Km (D.4 emb.). Celle-ci permet d'atteindre un petit col (col de l'Ane) sur la gauche duquel prend départ une piste empierrée qui conduit au bout de 7 Km au sommet du Roc Blanc.  Si l'on continue tout droit au niveau de ce col on se dirige vers le hameau des Euzes après avoir laissé (au bout de 1 Km 500) sur la droite la ferme de la Séranne. On atteint ce hameau qui se trouve sur un replat et à mi-flanc du Roc Blanc au bout de un kilomètre cinq cent (raidillon) On domine alors les gorges de la Vis et la petite reculée de l'évent aval de Rodel).

- pédestre

 Plusieurs accès sont possibles selon les secteurs à atteindre.

 à partir de la vallée de la Buèges :

Après avoir grimpé jusqu'au col de la Coupette par le mas des Prats (chemin des Mines), et une ancienne draille on peut atteindre la crête des rochers de la Barre et le sommet du Roc Blanc. Au sommet de ce col et au sortir de la côte, prendre sur la droite un petit sentier (balisé) qui se dirige vers les rochers de la Barre. (ce sentier passe à une centaine de mètres du dolmen des Malines).

à partir des gorges de la Vis :

Au niveau du pont de Gorniés (L'Escoutet) prend départ un petit sentier qui grimpe immédiatement sur la rive gauche en contrehaut de la Vis Ce dernier permet d'atteindre les installations d'une carrière de pierres lithographiques. Puis, après avoir recoupé la D.4 emb. (piste assez large) rejoint le hameau des Euzes en vue de la carrière.

Au niveau de ce hameau on se trouve sur un grand replat dominé par le versant nord du Roc Blanc.

Par un sentier qui quitte les Euzes au sud on peut grimper au Roc Blanc par les rochers de la Barre (se renseigner à la ferme qui fait à la fois gîte d'étape et repas à la ferme)

- du mas de Plantayrol, (petit mas avec chapelle qui se trouve au-dessus de la route D.25 à gauche 600 m avant le pont de Gorniés) on peut rejoindre la "plaine de la Séranne" et le mas des Euzes par une petite route goudronnée très étroite qui grimpe en lacets au-dessus de l'évent aval de Rodel.

- de la maison forestière de Grenouillet

200 mètres après le hameau des Claux un pont enjambe la Vis. En remontant la rive gauche on atteint le niveau de la maison forestière de Grenouillet. A cet endroit et face à une ancienne passerelle et sur la gauche un petit sentier très pittoresque grimpe en serpentant à travers la forêt domaniale, passe tout prés de la grotte de Grenouillet puis débouche au "pas de la Braune" sur un net replat du massif.

Au sortir de la forêt et au niveau d'une bergerie en ruine ce sentier qui relie la ferme de la Sauvie au hameau des Euzes passe à la bergerie du Mas. Il donne accès à l'appendice sud-sud-ouest du massif du Roc Blanc (secteurs de la basse-Sauvie et du pech des Cézes).

LE ROC BLANC

un culminant au panoramique exceptionnel.

Unité montagneuse familière visible de loin et facilement identifiable le "Roc Blanc" point culminant de la Séranne, (945 m) érigé majestueusement entre les vallées de la Vis et de la Buèges, se détache nettement des grandes régions structurales du massif.

Il surmonte toute la région nord-Montpellièraine (garrigues et avant-causses), véritable puzzle assemblé et étendu à ses pieds vers la méditerranée et la partie méridionale des Grands-Causses qui s'adosse aux Cévennes.

Du haut de ce belvédère et par temps clair on peut jouir d'un panorama étendu. Celui-ci permet de se faire une idée précise du pays karstique qu'il embrasse. Pays d'une richesse et d'une insolence de formes qui s'apprécie particulièrement en s'éloignant de ce dernier vers le sud sud-ouest en direction des rochers de la Barre (après l'aire de décollage des delta-plane).

Au-delà et au nord, le pic d'Anjeau érigé au premier plan au-dessus du massif de Roquemaure, domine la Vis et masque la vallée de l'Arre dont on devine le bastion tectonique d'Esparon. Cette vallée sépare les séries sédimentaires caussenardes du massif du Linguas, contrefort cévenol granitique et schisteux.

Au delà encore et au second plan, l'horizon barré par le massif du Linguas et la masse vigoureuse du mont-Aigoual, laisse quelquefois deviner à la faveur de quelques belles journées hivernales, le Mont Lozère et son manteau de neige.

Le domaine karstique caussenard, quand à lui bien représenté au tout premier plan par le causse de Montdardier et les rochers de la Tude se prolonge beaucoup plus à l'ouest vers l'échancrure profonde et sinueuse des gorges de la Vis.

Au-delà de ce canyon très encaissé au fond duquel se dessine le célèbre "cirque de Navacelles" s'étale à perte de vue l'imposante masse subhorizontale du Larzac qui avec ses 1000 Km2 constitue la plus importante unité morphologique tabulaire des Grands-Causses.

au sud est

Le sommet (sur lequel est érigé une station des télécommunications), véritable surplomb sur la plaine des Euzes permet de découvrir en détail l'ampleur insoupçonnée du Grand Bois dont les contreforts ciselés par de nombreux ravins sont reliés à la Vis. Le plus imposant d'entre-eux, à l'origine d'une importante reculée dominée par le hameau des Euzes, prend naissance au sommet du Puech des Cèzes, et termine sa course au niveau du village de Gorniés. Dans le prolongement de la crête sommitale soulignée par une ligne de falaises altières, et au sud-ouest, le massif du roc Blanc s'incline brutalement vers l'arrête étroite lacérée de lapiazs cannelées des rochers de la Barre. Cette crête surmonte le versant sud du massif et dominer la vallée de la Buèges au bas de laquelle on devine le petit hameau des Prats point de départ de la draille qui très pentue grimpe vers le col de la Coupette.

Au sommet de ce col dont on aperçoit le sillon verdoyant au sud-ouest des rochers de la Barre se trouve la limite que nous avons définie avec le massif du roc du Midi-Sauvie, autre région structurale du massif.

à l’est

La morphologie de la masse sommitale, beaucoup moins hardie que la précédente et surtout beaucoup plus large occulte visuellement une partie du pays qui s'établit à sa base. Son versant hérissé par de nombreuses arrêtes et coupé d'abrupts est accidenté par un réseau complexe de ravins aux remarquables formes d'érosion.

Le plus important de ces abrupts, issu du petit cirque de Pujeu, taillé dans de belles falaises dessine une incision caractéristique (combe des Cors) visible de très loin dans la paysage.

A sa base, affouillée d'un réseau extrêmement développé de thalwegs et au niveau du mas Alexandre, on se trouve dans l'encoignure nord-nord-est de la vallée de la Buèges limite d'un changement d'orientation du massif avec la plaine de Brissac. C'est dans la direction générale de cette plaine (nord-nord-est) que se prolonge, fléchit et s'évase régulièrement l'ensemble de la masse orientale du roc Blanc.

au nord-est

Cet évasement perd régulièrement de l'altitude et suit la ligne du crête du roc Blanc jusqu'au village de Brissac installé au bas de la retombée du bois de Long à même la plaine des Caizergues.

Au-delà de ce village, arrosé par la source de l'Avèze, le massif limité à l'est par le bois du Bayle, repère discret du petit hameau de Coupiac et de l'abîme de Rabanel, fléchit vers le sud-sud-ouest en direction de la Vis.

L'Embase régulière et selon les secteurs carrément aplani qui sépare le bois de Montmal (autre région importante de la Séranne) de l'imposant versant du roc Blanc montre des traces évidentes d'une ancienne vallée empruntée par la Vis. C'est au sein de cette dernière en partie civilisée par la piste (D.4 emb.) issue du village de Cazilhac que sont installées les fermes de la Séranne et d'Alibert et qu'il est possible de rejoindre le hameau des Euzes situé sur un pallier supérieur du massif (voir accès routier).

 

                            

photo : exemple de compartimentage tectonique au-dessus du village de Saint-Jean de Buèges.